• les grandes lignes de mon passé : "Vous allez faire quoi?! Mais il n'en est pas question!" Sous la table, la main de Wendy cherche celle d'Edge, et la trouve assez vite. Leurs doigts s'entremêlent et rien que de sentir cette pression, ce soutien silencieux, la détend un peu, ralenti les battements précipités de son coeur. "Ma chérie", poursuit la mère de Wendy d'une voix plus douce que celle de son mari, qui vient de manifester son mécontentement. "Vous ne pensez pas être un peu jeunes pour vous marier? Dix huit ans à peine..A quoi ça servirait de précipiter les choses? Vous ne voudriez pas, je ne sais pas...attendre la fin de vos études, par exemple?" Wendy serre les dents. Ce n'est pas comme si elle n'avait pas anticipé cette réaction: après tout, elle connait ses parents et savait que l'annonce de leur fiançailles n'allaient pas leur plaire. Elle inspire profondément et lève les yeux pour chercher du soutien supplémentaire dans le regard d'Edge. Celui-ci lui sourit et elle sent le courage remonter en elle, comme si sa simple présence suffisait. Ensuite, Wendy se tourne vers ses parents, un sourire au coin des lèvres. "Nous avons pris notre décision. On s'aime, et on veut être ensembles, c'est tout. Et puis que ce soit aujourd'hui ou dans quatre ans, qu'est-ce que ça change? L'issue sera la même. Nous nous sentons prêts pour nous marier, alors on voulait juste vous mettre au courant....Papa, maman: je vous aime et vous le savez. Mais Edge est mon futur et j'ai juste tellement hâte de commencer cette nouvelle vie avec lui. Vous comprenez?" "Vous vous aimez et c'est bien, Wendy: mais tu n'as que dix huit ans! L'amour pour vous est trop bancale encore! Et je parle pour vous deux, pour votre bien: attendez. Attendez de voir si votre relation est assez solide pour sauter ce pas. Être mariés, c'est dur. Ça implique beaucoup de changements que vous n'êtes pas prêts à faire encore." Wendy secoue la tête et, sentant que le dialogue ne les mènera à rien, que ses parents refusent de comprendre que sa décision est définitive, elle se lève. Edge suit son mouvement, leurs mains étant encore liées et elle soupire tout en passant sa main libre dans ses cheveux. "Merci beaucoup de votre soutien. C'est vraiment génial de se sentir aimé et soutenu par ses parents, surtout pour quelque chose d'aussi important." Sans attendre, Wendy tourne les talons, les larmes aux yeux. Elle quitte la maison le coeur lourd, blottie contre Edge qui la serre fort.

Finalement à l'issue de tout ça, Seth sera le seul à les soutenir à propos de leur mariage à venir.


"Merci pour tout, Seth. T'es le meilleur.". Wendy se met sur la pointe des pieds et serre son frère dans ses bras, un immense sourire illuminant son visage. Aujourd'hui, elle est heureuse. Plus qu'heureuse. Un anneau scintille à son doigt, venant rejoindre sa bague de fiançailles et, bien qu'elle se soit changée pour aller à l'aéroport, ses cheveux sont encore superbement bien coiffés et elle n'a pas non plus retiré son maquillage. Sur un petit nuage, elle recule d'un pas et penche sa tête légèrement sur le côté en disant: "Sois sage durant mon absence, d'accord?" Wendy rit en le voyant lever les yeux au ciel et le serre encore une fois dans ses bras. "Mon amour, on va louper notre avion. On ne part pas pour la vie, tu sais: Seth sera encore là à notre retour." Encore une fois, Wendy laisse échapper un petit rire, ainsi qu'une larme. Bien qu'elle ait hâte de partir en voyage de noces, elle a réellement du mal à laisser son jumeau. Ils ont vécu collés l'un à l'autre et devoir partir loin de lui lui brise le coeur. Pourtant elle sourit, sa seule consolation étant qu'effectivement, elle le retrouvera bientôt, à son retour.

Et, alors qu'elle s'éloigne, accompagnée de son mari, Wendy se tourne une dernière fois pour saluer son jumeau d'un signe de la main, elle est bien loin de se douter qu'elle ne le reverra pas avant plusieurs années. Elle est bien loin de se douter qu'il va partir à son tour, pour l'abandonner et qu'elle n'entendra plus sa voix avant bien des mois.

• "l'île" c'est quoi pour moi ? Wendy se réveille en sursaut. Son front est en sueur et, en passant ses mains sur son visage, elle remarque qu'elle pleure. Encore ce cauchemar. Elle qui pensait qu'avec le temps, ça passerait. Que la douleur serait moins vive. Que les souvenirs seraient plus flous. Mais non, ce n'est pas le cas. L'horreur est toujours là, le choc encore bien présent, malgré les heures, jours, semaines et mois égrainés. Les lèvres tremblantes, Wendy essaie de respirer un grand coup pour ne pas éclater en sanglots, mais c'est encore dur. Machinalement, elle porte une main à son ventre et son coeur se remplit de désespoir, empire son état d'esprit actuel. Elle se sent mal, comme si elle était en train de se noyer, elle a du mal à respirer et sait qu'il ne s'agit que d'une simple crise d'angoisse, causée par son cauchemar. Par ses propres souvenirs. Même les yeux grands ouverts, Wendy se rappelle comme si elle y était encore, de ce qu'elle a ressenti lorsqu'elle était dans l'avion. Au début, elle était heureuse, sereine. Elle était avec Edge et plaisantait avec lui, faisait des projets. Elle commençait même à lui parler de ses idées de prénom pour leur futur enfant. Et là, les secousses ont commencé. Les lumières ont flanché et la panique a pris tout le monde. Elle entend encore clairement les cris des autres personnes, se mêlant aux siens et les pleurs des enfants tout aussi effrayés. La chute a été horrible, et étrangement longue. Elle a attaché sa ceinture et s'est accrochée de toutes ses forces à Edge, enfouissant son visage dans son cou. Elle lui a dit qu'elle l'aimait, encore une fois. Une ultime fois. Et elle a pensé à ses parents, à ses amis. Mais surtout, Wendy a pensé à Seth. Son jumeau, qu'elle n'avait vu depuis des années et qu'elle aimait plus que tout malgré la colère qu'elle ressentait son égard. Puis ce fut le noir complet.
Quand Wendy avait repris conscience, quelques temps plus tard, elle avait trouvé plusieurs personnes penchées vers elle, apparemment soulagées de la voir se réveiller. Elle était en vie et a appris très rapidement que c'était également le cas d'Edge, à son plus grand soulagement. Mais les bonnes nouvelles ne peuvent pas venir seules, pas dans des cas comme ça. Et si des enfants ont perdu leurs parents dans ce crash, des frères ont perdu leurs soeurs, des maris leurs femmes...Wendy, elle, a perdu son enfant, manquant de perdre la vie également si on avait pas pris soin d'elle. Troublée par son mauvais rêve, Wendy regarde Edge qui dort encore près d'elle, inconscient de la soudaine détresse de sa femme et elle se recouche, se serre contre lui. Le fait est que, depuis la perte de son enfant, elle se sent coupable. Elle a l'impression que c'est de sa faute: pourtant, elle sait que c'est à cause du crash. Mais si elle s'était dans une position différente, est-ce que ça aurait changé les choses? Edge bouge dans son sommeil et se retourne pour se mettre dos à elle. Wendy ne peut s'empêcher d'avoir peur. Peur qu'il s'éloigne d'elle un jour, qu'il lui en veuille pour le bébé et le reste, peur qu'il l'abandonne comme l'a fait son frère il y a des années.


Jamais elle n'aurait cru le revoir. Jamais. Pourtant c'est une éternelle optimiste. Mais ça, c'était carrément impossible, les chances proches de zéro. Et pourtant, le voilà, juste devant elle: Seth. Son jumeau, sa autre moitié. Comme Wendy, il a vieilli, mais elle le reconnaitrait entre mille, les yeux fermés. Souvent, elle s'est imaginé leurs retrouvailles: et ça terminait toujours pareil. Wendy finissait toujours par le gifler avant de le prendre dans ses bras, juste pour lui montrer à quel point elle était en colère contre lui, mais également qu'il lui avait tellement manqué. Sauf qu'aujourd'hui, ça ne se passe pas du tout comme elle l'imaginait. Alors qu'ils se regardent dans les yeux, face à face, elle n'a plus envie de le frapper. Et elle n'arrive pas à s'avancer pour l'enlacer: ses deux pieds restent encrés au sol, comme si elle était faite de pierre. Ses yeux commencent à la brûler, sa lèvre inférieure à trembler. Puis Wendy, pour la première fois depuis un long moment, se met à pleurer. Fort. Comme si ça allait la faire se sentir mieux. Comme si c'était la seule chose à faire. Soudain, elle sent deux bras l'entourer, la serrer fort. Le front contre le torse de son frère, elle attrape le bas du t-shirt de celui-ci, qu'elle serre entre ses doigts fins. Elle n'ouvre pas la bouche, n'ouvre pas les yeux, elle ne bouge pas. Son coeur saigne autant qu'il se gonfle de joie, des sentiments contradictoires qui la déboussolent. Mais Wendy est heureuse. Elle ne sait pas pourquoi son frère l'a abandonnée, ni sa raison réelle de sa présence ici. Mais le fait est, qu'il l'a retrouvée. Et enfin, elle est complète. Pourtant, elle ne se fait pas d'illusion: la distance soudaine à effrité leur lien, l'a tout de même fragilisé et elle compte bien lui demander des explications. Mais pas maintenant. Pas aujourd'hui. Là, tout de suite: elle est à la maison.

• les aléas de ma vie actuelle : "Allez, prenons quelques minutes de pause: vous avez bien travaillé, allez jouer." Au moment même où Wendy prononce ces mots, les enfants du camps ne se font pas prier et quittent leurs places pour s'en aller à la vitesse de l'éclair. Pas surprise pour un sou, mais toujours amusée, Wendy sourit tout en secouant la tête. Et elle finit par les suivre, pour les surveiller: comme toujours. Depuis qu'ils sont installés ici, elle a trouvé important d'offrir une éducation aux enfants, de leur apporter un minimum de normalité. C'est donc tout naturellement que Wendy a repris son rôle d'institutrice, comme si elle était chez elle, comme si rien n'était arrivé. Et comme souvent, enseigné lui a permis d'oublier un peu tout le reste, d'avancer, de dépasser la mort de son enfant -pourtant ça reste encore dur, mais ça l'est moins chaque jours-, de penser à son ancienne vie. Le chemin sera encore long avant de s'habituer à tout ça, à cette toute nouvelle vie, à cette communauté: mais elle reste optimiste, comme toujours.